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Adolphe LALIRE dit LA LYRE (1848-1933)
Cléopâtre vient souper chez Marc Antoine, 1922
Huile sur toile signée, datée et située CARTERET en bas à droite
200 x 149 cm.
Au dos, portent le n° 834 à l’encre et la référence L 231 à la craie bleue sur la traverse centrale du châssis
Exposition : Salon d'Hiver au Grand Palais à Paris du 27 janvier au 28 février 1923, n° 461 (cachet au dos)
Une très petite pièce au dos
Estimation : 8 000 / 10 000 €
Expert : Expertises Tellier, Paris / Marc-Henri TELLIER
Adolphe Lalire est né le 1er octobre 1848 à Rouvres-en-Woëvre, petit village de la Meuse. Il est l’aîné d’une famille de sept enfants. En 1866, sa famille part s’installer à Nancy. Lors de la guerre de 1870, Lalire est Officier de la Compagnie des marches du 200e bataillon. En 1875, il est reçu premier de sa promotion au concours de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris où il a été élève de Pils, de Lehman (lui-même élève d’Ingres), de Jules Lefebvre (peintures mythologiques ou allégoriques), et de Henner. L’année suivante, il expose deux dessins au Salon des Champs-Elysées. Puis, il suit les cours de mathématiques et de dessin à l’École supérieure des Arts Décoratifs où il reçoit une médaille d’or. A partir de 1880, il ouvre un atelier place des Vosges au pavillon Henri IV et prend la décision de changer son nom : Lalire devient La Lyre.
Il est récompensé par une médaille à l’Exposition internationale de Nice en 1883-1884 ainsi qu’à l’Exposition universelle d’Anvers en 1885. Il épouse en 1886 Marthe Lévesques, l’une de ses élèves au cours de dessin qu’il dispense. Il est nommé Officier de l’Instruction publique en 1887. Lors de l’Exposition universelle de 1889, il reçoit une médaille de bronze. En 1897, il fait construire un atelier à Courbevoie situé au 297 boulevard Saint-Denis. Il est de nouveau récompensé d’une médaille de bronze à l’Exposition universelle de 1900.
Cette année-là, s’achève sur le cap de Carteret (Manche) la construction d’une grande villa. Carteret est à l’époque un village de pêcheurs d’environ 500 âmes doublé d’une modeste station balnéaire. Le propriétaire de cette villa n’est autre qu’Adolphe Lalire dit La Lyre, un peintre âgé de 52 ans au fait de sa gloire. Il est venu pour la première fois à Carteret en 1872, alors qu’il n’était encore qu’un artiste débutant, et est tombé sous le charme de cette commune. Il y revient, logeant à l’Hôtel de la Mer (ouvert en 1883), et y achète un terrain en 1897. C’est lui qui établit les plans de ce « château », avec sa tour crénelée, dont la vue est imprenable sur la corniche de Carteret et la plage qui s’étend de Barneville-sur-Mer à Portbail. Il nomme cette maison « le château des sirènes » et partage désormais son temps entre Paris et la Manche. Désirant conseiller les jeunes artistes, il publie entre 1902 et 1907 quatre grands volumes consacrés à la figure d’après nature, renfermant chacun 450 dessins et croquis. Il est médaillé à l’Exposition franco-britannique de Londres en 1908. Puis il fait paraître en 1910 « Le Nu féminin à travers les âges chez tous les peuples », ouvrage illustré de 74 dessins à la sanguine. En 1915, La Lyre expose à la galerie Georges Petit à Paris. Marqué par la Première Guerre mondiale, il produit durant cette période plusieurs tableaux représentant les conséquences dramatiques de ce conflit.
Notre tableau, de grand format, peint à Carteret en 1922, est à la fois une œuvre historique, orientaliste et symboliste. Depuis la Renaissance et la redécouverte de l’Antiquité, de nombreux artistes ont représenté le mythe de Cléopâtre. Parmi les œuvres réalisées à la fin du XIXe siècle sur ce thème, il n’est qu’à citer celles de Gérôme, d’Alma-Tadema et de Cabanel. Notre toile, intitulée Cléopâtre vient souper chez Marc Antoine comme mentionné dans le catalogue d’exposition du Salon d’hiver de 1923, représente le débarquement de Cléopâtre sur les bords du Cydnus, à Tarse (actuelle Turquie), ville de Cilicie sur le rivage de l’Asie Mineure où Marc Antoine avait établi sa capitale après la bataille de Philippes. Depuis l’assassinat de César, une alliance politique de la République romaine, dite second triumvirat, est en place à laquelle Marc Antoine participe avec Octave et Lépide. La mission de Marc Antoine est d’organiser l’Orient et de contrer la menace de l’Empire parthe. Cléopâtre, reine d’Egypte, s’était alliée avec Cassius, le rival de Marc Antoine, qui s’est suicidé. Désireuse de sauver l’indépendance de l’Egypte, elle débarque en 41 av. J.-C. avec le projet de séduire Marc Antoine. Cela constitue la première rencontre entre la reine d'Egypte et le triumvir. Secoué par des crises internes, l’Egypte a besoin de la protection de Rome qui a intérêt à sa survie. La Lyre a lu pour illustrer cet épisode les Vies parallèles de Plutarque, d’après la traduction de Jacques Amyot en 1559. Le texte fournit notamment de nombreux détails sur la richesse du navire de la reine d'Egypte et sur le faste de sa suite.
La Lyre retranscrit dans son tableau, à la composition pyramidale, le luxe décrit par Plutarque. Au premier plan, à gauche, des servantes se prosternent, l’une d’entre elles tenant une lampe. A droite, un homme tient en laisse deux tigres ainsi qu’un babouin, genre de singe souvent représenté dans la statuaire égyptienne antique. Dans l’angle inférieur droit de la composition, figure un oiseau vénéré, l’ibis sacré. Au centre, trône le personnage principal, la reine Cléopâtre. Seins nus, elle porte une tenue rehaussée d'or, est parée de bijoux et est ceinte d’une couronne. Dans sa main droite, elle tient son sceptre, symbole du pouvoir. A sa gauche, une courtisane dévêtue agite un chasse-mouche. A gauche de celle-ci, figure une joueuse de harpe et derrière elle un joueur de flûte. Derrière la pharaonne, le peintre représente sa suite parmi laquelle le spectateur voit notamment une servante porter une amphore. A l’arrière-plan, plus suggéré que décrit, l’on aperçoit le fastueux navire aux voiles cardées dont la proue figure une tête de dromadaire. Le tableau fourmille ainsi de détails qui sont certes là pour égayer l’œil, mais aussi pour montrer que l’artiste s’attache à une certaine véracité. La Lyre en décrivant l’opulence et la puissance de Cléopâtre. La palette est composée de couleurs froides comme le bleu et de couleurs chaudes comme l’orangé, de la gamme des ocres ainsi que du blanc et du noir. La figure de Cléopâtre semble avoir particulièrement inspiré Adolphe La Lyre puisque le musée Roybet Fould de Courbevoie possède au sein de ses collections une autre œuvre intitulée Cléopâtre à Tarse recevant les ambassadeurs d’Antoine (250 x 375 cm), datée de 1901 et peinte dans son atelier de Courbevoie. Elle fut exposée au Salon des Artistes Français en 1902, sous le n° 949. Des œuvres préparatoires à cette immense toile sont conservées au musée Thomas Henry de Cherbourg. Le tableau fut donné par Mme Veuve La Lyre. Il fera l’objet prochainement d’une restauration, tant de la toile que de son imposant cadre en bois sculpté.
Notre tableau, historique et orientaliste, se rattache aussi par certains aspects au courant symboliste où l’imaginaire du peintre se nourrit de récits mythologiques et de textes romanesques. En se tournant vers les grandes figures antiques, et en particulier Cléopâtre, La Lyre rejette la réalité de son époque. L’artiste avait dénoncé dans plusieurs tableaux les atrocités de la Première Guerre mondiale. Il est vraisemblable que cela soit encore présent à son esprit et qu’il tente ainsi d’y échapper en se réfugiant dans la mythologie.
Sur les 1 500 toiles environ qu’a peintes Adolphe La Lyre, il ne faut pas négliger le paysagiste qu’il fut aussi et pas seulement le « peintre des sirènes », surnom dont il fut affublé. La Lyre donne plusieurs de ses œuvres à la commune de Carteret. D’abord, plusieurs paysages destinés à décorer la salle des fêtes inaugurée le 15 juin 1924, sous la présidence de Henri Franklin Bouillon, député de Seine-et-Oise et ancien ministre d’État. Ce dernier lui racheta d’ailleurs après la Première Guerre mondiale le « Château des sirènes » afin de l’aider financièrement, tout en le laissant, ainsi que son épouse Marthe, y habiter jusqu’à leur mort.
En 1925, La Lyre reçoit la médaille d’argent à l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes à Paris. A Carteret, il reçoit dans la salle des fêtes la légion d’honneur en octobre 1926. Le maire déclare dans son discours que « Vous avez fixé la beauté de notre pays en maints tableaux et vous avez voulu que cette salle soit parée de quelques-uns d’entre eux ». Madame Lalire avait donné en 1901, à l’église Saint-Germain de Carteret, Le couronnement de sainte Cécile, pour être présentée au-dessus de l’orgue. La construction de la nouvelle église terminée, l’abbé Noël avait demandé à La Lyre de dessiner les vitraux du chœur. En effet, il connaît parfaitement la technique du vitrail : dans l’église de Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris, la verrière « L’enfance de la Vierge » avait été réalisée d’après ses cartons en 1891. La Lyre accepta et dessina cinq vitraux dont le thème était la Résurrection. Ils atteignaient 7,5 m de haut, et causèrent de grandes difficultés pour leur exécution. Ils furent bénis le dimanche 31 août 1919. Malheureusement, en 1941, des bombes pulvérisèrent ces verrières et leurs cartons restent introuvables.
Adolphe La Lyre meurt le 23 janvier 1933 à Courbevoie. Il fut l’un des derniers chantres de l’art académique, aussi nommé péjorativement « art pompier ». Après le décès de son époux, Marthe Lalire (1865-1952) a donné des toiles à plusieurs musées (Blois, Chartres, Courbevoie, Laval) ainsi qu’à la mairie de Carteret.
C’est en 1995 que certaines œuvres retrouvées ont fait l’objet d’une exposition à la salle des Douits de Barneville-Carteret. En 2014, une autre exposition organisée par le musée Roybet Fould de Courbevoie fut consacrée aux œuvres de La Lyre exécutées lors de la Première Guerre mondiale.
A notre connaissance, les musées français suivants conservent des œuvres d’Adolphe La Lyre :
Autun, Blois, Chartres, Cherbourg, Colombes, Courbevoie, Laval, Marseille, Montauban, Paris, Saint-Brieuc et Strasbourg.
Nous remercions Madame Emmanuelle Trief-Touchard, Directrice du musée Roybet Fould de Courbevoie, de nous avoir transmis des photographies du tableau d’Adolphe La Lyre Cléopâtre à Tarse recevant les ambassadeurs de Marc Antoine, conservé au sein des collections de cette institution. Cela nous permet de voir que La Lyre a repris dans notre tableau quelques éléments de l’œuvre peinte en 1901, notamment le personnage de Cléopâtre, l’homme aux tigres et le babouin, avec cependant des variantes de positions et de couleurs.
EXPERT : EXPERTISES TELLIER / MARC-HENRI TELLIER, MEMBRE DE LA CEFA
VENTE THONIER ENCHERES / LES ANDELYS LE 5 JUIN 2021, LOT 128
ADJUGE 49 600 € FRAIS COMPRIS